Quand t’as prévu un week-end romantique en tête-à-tête dans un bel hôtel, mais que t’as Pioupiou dans les pattes, tu fais preuve d’imagination. Tu choisis un bel hôtel à Strasbourg, tout près du centre historique, mais encore plus près du studio de ta nièce, qui hébergera le greffon pour la soirée de la Saint-Valentin (héhé).

Raison pour laquelle Pioupiou, z’Homme et moi avons affronté le froid sibérien de Strasbourg, donnant raison au célèbre dicton : en hiver, « Grand Est » rime avec « Mets ta veste ». Covid oblige, en l’absence de musées ou d’expos à visiter et dans l’impossibilité de se réchauffer dans un Bierstub au détour d’une flânerie touristique, on a échoué dans les magasins d’usine de Roppenheim (si,si, c’est en France).

Architecturalement parlant, il est plutôt mimi, ce vrai-faux village pompeusement baptisé « The Style Outlet ». On se croirait à Europa Park. Comme là-bas d’ailleurs, tout est fait pour t’inciter à ouvrir grand – et même très grand – ton portefeuille. Les soldes côtoient les « nouvelles collections » dans un agencement étudié pour que tu choisisses systématiquement les étiquettes les plus chères. Arrivée à la caisse, je constate que le prix de ce charmant pull Tommy Hilfinger n’est pas réduit parce que je l’ai pris sur la pile d’à-côté. La vendeuse me demande alors, en parlant bien fort : « voulez-vous que je le retire ? ». J’ai le choix entre passer pour la reloue de service qui sait pas lire les étiquettes, ou faire genre que je suis au-dessus de ça. Avec les personnes derrière moi qui commencent déjà à lever les yeux au ciel, je m’empresse de dire « c’est bon, ça ira ». Une fois dehors, je fais un doigt à ce bon vieux Tommy. En cachette, parce que Pioupiou n’est pas bien loin.

Faire la queue devant North Face parce que c’est la marque branchée du moment et que la jauge de 12 personnes est atteinte en permanence, dans un froid glacial et sans vin chaud à l’horizon pour me remonter le moral, c’est pas ma définition du bonheur. Cela dit, j’avoue m’être réchauffée sans vergogne chez Mephisto ou Le Creuset ; ces enseignes sont désertées par leurs clients traditionnels qui sont en EHPAD ou terrés chez eux pour ne pas choper le Covid, les pauvres. Les vendeuses font d’ailleurs une tête d’enterrement, ce qui est de circonstance vu que le Covid a dû diviser par deux ou trois leur marché potentiel. Elles tentent bien de m’amadouer avec des soldes sur les soldes et des rabais supplémentaires à partir de deux articles achetés. Non merci, sans façons.

Sinon, il y a Kiko. Les vendeuses me sautent dessus comme des abeilles sur un pot de miel, « je peux vous aider ? », avec une voix de crécerelle franchement pénible. Quand j’ai victorieusement éconduit la première, la deuxième arrive. Au bout de trois rounds habilement menés par Cindy, Elodie et Amélie, je déclare forfait et me fait « conseiller ». Derrière ce verbe a priori sympa, se cache la manœuvre classique de la vendeuse qui t’oriente vers les produits les plus chers ou à plus forte marge. Quelques fards à paupières, un mascara et un crayon à sourcils plus tard, me revoilà sur le trottoir, dans le grand froid du Grand Est, à slalomer entre les congères et les plaques de verglas.

Pendant ce temps, z’Homme a écumé tout ce que le Outlet compte de magasins de sport. Il en est ressorti quasi-bredouille (un pack de chaussettes, ça compte pas), grommelant que c’est bien mieux sur PrivateSportShop parce qu’ils ont le modèle machinchose porté par the best of the best des trailers (et certifié Kilian Jornet, imagine un peu …).

A un moment qui arrive somme toute assez vite, ça devient franchement lassant de te faire alpaguer dans les boutiques, de choisir un article que tu ne peux généralement pas essayer, de faire chauffer ta carte bancaire parce que le mot « soldes », c’est juste pour te donner bonne conscience, et de sortir fissa parce qu’il y en a d’autres qui attendent devant la porte. Tu peux bien tenter le café pour te déglacer les os, mais le temps de le payer, il est déjà tiède.

Nous avons quitté sans regrets The Style Outlet, nous réjouissant de retrouver la chambre et la fausse cheminée qui nous y attendait. Le personnel de l’hôtel avait géré : pour la soirée spéciale Saint-Valentin, ils avaient torsadé des serviettes éponges en forme de cygnes, placé une boîte de cœurs en chocolat et parsemé le lit de pétales de roses. C’était mignon à souhait. Il ne restait plus qu’à attendre le menu gourmet de la Maison Kammerzell livré en chambre avec la bouteille de crémant qui va bien. Et à dégager Pioupiou chez sa cousine.

Mais tu sais ce qu’on dit : si quelque chose te semble trop beau pour être vrai, c’est probablement le cas. Ma nièce nous apprend qu’elle ne sera pas – hélas ! – en mesure de mener à bien l’opération « Baby sitting de Pioupiou ». Autrement dit : nous allons passer la Saint-Valentin avec notre petit dernier de 12 ans. Et comme la Loi de Murphy n’est jamais bien loin, tout ce qui est susceptible d’aller mal, ira mal.
[Soit dit en passant, Murphy aurait mieux fait de se casser une jambe que de nous porter la schkoumoune avec sa loi qui nous les brise menu.]
Après nous être résignés à ce coup du sort, nous avons appris que le dîner avait pris un « léger » retard et qu’il nous serait plutôt livré vers 21 h. Pour tromper l’attente, on a fait des jeux sur le portable, parce qu’on n’avait pas prévu de faire une soirée Monopoly. Après avoir vainement tenté de dépasser les 1000€ à Qui Veut Gagner des Millions, on a jeté l’éponge. Il faut dire qu’en l’absence du crémant promis – encore un coup de Murphy, ça – , on s’était consolés avec la bouteille de rouge, z’Homme et moi. Après, c’est devenu un peu flou, je crois que tout était franchement cool. Même le menu gastronomique servi dans des bols en plastique et des plats en carton était parfait – c’est vrai, pourquoi laver de la vaisselle quand on peut la jeter ?

Avant de comater complètement, on a demandé à Pioupiou d’aller Voir-Un-Peu-Là-Bas-Si-J’y-Suis dans le salon de l’hôtel, près de la réception, où il avait l’autorisation de jouer à Summoners War aussi longtemps qu’il voulait. Ou plutôt : aussi longtemps qu’il tiendrait dans les courants d’air et le froid. En même temps, un gosse c’est déjà pas feng shui à la base. Alors en plus s’il te fait une OPA hostile sur la Saint-Valentin…

2 commentaires sur “La Saint-Valentin à 3 (c’est pas ce que tu crois)”

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