« Un Raid au pays des Mayas, ça te dit ? » z’Homme m’avait balancé la question pendant que j’étais plongée dans un livre. J’ai dû émettre un grognement, que z’Homme a aussitôt interprété comme un acquiescement. Ni une ni deux : Il nous a inscrit au Raid Guatemala 2024[1].
Plus tard quand il a commandé les billets d’avion, j’ai eu la présence d’esprit de lui demander en quoi ça consistait parce que le mot « Raid » n’était pas hyper rassurant. Il m’a répondu : « on marche pendant cinq jours dans des endroits super sympas. T’inquiète, ça va ta plaire. »
« Ben si, je m’inquiète, parce que mon record perso c’est la rando vosgienne de 3 heures, repas en ferme-auberge compris …»
« Je te rappelle que tu as fait le trek des Incas sur 3 jours avec deux cols à 4000 mètres ! »
« Oui mais ça c’était avant. Et d’ailleurs j’étais au bout de ma vie …»
« Ah mais là, rien à voir, ma pupuce ! D’abord il n’y a pas autant de dénivelés et tu vas marcher quoi ….2-3h par jour … pfff … grand max… et puis il ne fera pas très chaud, 25 degrés peut-être ? »
Cette discussion a eu lieu il y a environ un an. Et tu peux me croire que j’y repense à chaque fois que je chausse mes baskets de trail, ici, au Guatemala. J’y repense quand chaque étape me fait grimper d’au moins 1000 mètres, j’y repense à chaque fois que je me coltine au moins cinq heures de marche intensive, j’y repense quand la température est plus caniculaire que printanière.
La première étape, « La Route des Laves », a duré 17 km avec un dénivelé positif de 850 mètres nous amenant à une altitude de 2200 m. J’ai mis 5 heures à glisser sur les deux coulées de lave du volcan Pacaya, sous un soleil de plomb, à la limite du coup de chaud. Z’Homme n’était pas dans ses petits souliers : « je te jure ma pupuce, je savais pas » Mon coup d’œil aussi noir que la roche lui a fait diplomatiquement changer de sujet. « Allez on y est presque ! » Dans ma tête je l’ai traité de menteur mais je manquais de souffle pour lui dire le fond de ma pensée. Finalement, l’arrivée est arrivée. J’ai été accueillie par des applaudissements. Y’a pas, ça fait chaud au cœur, même si tu sais que t’es la dernière et qu’en vrai ils sont tous soulagés de pouvoir enfin manger. Au bout du chemin, m’attendait une glorieuse cascade d’eau glacée. Stéphane, le sherpa venu du Nord, m’a initiée à la méthode Wim Hof qui consiste à préférer le froid à toute autre température. C’était bien utile pour faire baisser la température de ma cabeza qui flirtait dangereusement avec le point d’ébullition. Mes propos étaient incohérents mais z’Homme a entendu « merci mon chéri de m’avoir amenée ici » (Gné ???) et il m’a embrassé avec fougue.
Le lendemain, à la 2ème étape au départ de Tecpan, je me sentais fraîche comme un gardon, la montée me paraissait moins difficile que la veille. Avec en gros la même distance à parcourir et le même dénivelé, j’étais curieusement en jambes. Je me suis même mise à trottiner dans la descente, sur des sentiers ombragés et tapissée de mousse qui me faisaient penser aux sous-bois de chez nous. Z’Homme n’en revenait pas et ne tarissait pas d’éloges, du coup j’ai bouclé cette boucle en seulement 4 heures, du jamais vu par mes baskets !
Ce qui m’amène à la troisième étape, au bord du lac Atitlan, que j’ai rebaptisée plus tard « El Sendero de la Muerte » [2]histoire de frimer avec mon niveau espagnol débutant. Les hostilités ont commencé par des volées de marches à gravir puis à redescendre, en mode montagnes russes, longeant sur quelques kilomètres les eaux turquoise du lac. J’avais adopté avec entrain le même train que la veille. Erreur de débutante. Mon souffle m’a très vite lâchée et il n’est jamais revenu. La montée qui a succédé à cette mise en jambes n’a fait que ça, monter, avec des « coups de cul » de 15-20 % et un dénivelé de 1250 mètres. Progressant à la vitesse d’un escargot en fin de vie, je me suis fait dépasser par tout l’effectif. Mortifié, z’Homme accompagnait certains coureurs sur quelques centaines de mètres, histoire de prouver, à lui autant qu’aux autres, qu’il pouvait marcher plus vite qu’un gastéropode. La doctoresse qui fermait la marche prenait tout son temps pour décrocher les rubalises, histoire d’accompagner diplomatiquement ma progression en slow-mo[3]. Au grand désespoir de z’Homme qui jamais, dans toute sa carrière de sportif accompli, n’avait été dernier dans une course.
Et quand nous avons enfin – ENFIN – atteint le sommet de la colline, mon soulagement a été aussi bref qu’un coup de sifflet. Ce qui nous avait été pudiquement présenté la veille comme une descente « technique » était en réalité un sentier qui défiait la gravité avec des à-pics de part et d’autre, le tout sous un soleil brûlant. Je me serais bien apitoyée sur mon sort une heure ou deux mais le temps n’était pas de mon côté. J’ai ralenti encore mon pas et dévalé certains passages sur les fesses. Z’Homme avait senti que l’heure n’était plus aux encouragements à aller plus vite mais juste à aller. Du genre, mettre un pied devant l’autre et recommencer. Il tentait de me distraire en m’encourageant à admirer le panorama. Je jetais un regard inquiet sur ce sentier NO FUTURE et sur le lac plus de 1000 mètres en contrebas. Que Saint-Exupéry se soit inspiré de ces lieux pour écrire le Petit Prince ne me transportait plus, tout comme mes pieds ampoulés, qui en profitaient pour faire le minimum syndical. Ça sentait la fronde. Il faut dire que conserver sa verticalité sur ce bout de montagne représentait un défi que seul un cabri pouvait relever les pattes dans le nez.
Après 5h40 de marche infernale, j’ai franchi la ligne d’arrivée main dans la main avec z’Homme. Les autres avaient eu le temps de barboter dans le lac et de se taper une pina colada ou plusieurs en se racontant leur vie. Moi j’étais juste soulagée d’être arrivée sans casse. Je n’avais même plus la force d’en vouloir à z’Homme. J’ai aussi compris pourquoi ce Raid s’appelait « raide ». Allez, plus que deux étapes !
[1] organisé par l’Association Course autour du monde
[2] Sentier de la Mort
[3] Slow Motion : ralenti
Tu l’as échappé belle :)
Je vais aller boire un coup à Tokyo mi-mars…
Bonne suite à toi.
Richard
Tu nous en parleras à ton retour alors ! À bientôt Barbara
Bravo Barbara ! De relever ces défis pour toi et avec Z’homme.
Merci aussi de ton partage, qui me réjouis pour toi (c’est raide et tu y arrives) et qui m’enthousiame à répondre aux sollicitations de mon Z’homme à moi.
Allez, plus que 2 périples et bientôt tu me raconteras.
Avec plaisir ma chère Rebecca
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