Si le Guatemala est le « Pays du printemps éternel », autant te dire qu’on n’a pas la même définition des saisons. Certes, les températures sont fraiches le soir et le matin, mais pour les gringos que nous sommes, le soleil tropical tape allègrement en journée, et pas que sur des bambous.
Au lieu de faire la sieste comme il se devrait après avoir sué sang et eau pour boucler l’étape, la fine équipe du Raid Guatemala repart aussitôt après le déjeuner en minibus vers la prochaine destination. Autant te dire que l’heure n’est pas au dodo mais aux nids de poule. La clim’ est aussi inutile que la dernière feuille de papier sur le rouleau de pq. Je te mets au défi de t’assoupir dans la torpeur d’un véhicule qui ressemble à un trampoline sur roues et s’enquille des ralentisseurs à n’en plus finir. Un vrai sport national ces dos d’ânes ! Têtus, ils font obstinément baisser le kilomètre/heure moyen, déjà faible en raison des courvas peligrosas[1] indispensables pour franchir les cols. Car le Guatemala est un pays de relief, traversé par une grande chaîne de 37 volcans – dont trois encore actifs – qui dépassent les 2500 mètres. Ça change un peu de l’Alsace – morne plaine !
Fortement secouée, je dors par intermittence comme les gens du spectacle. Comme eux, je saisis à bras-le-corps la moindre opportunité pour me reposer et je m’endors en sursaut, la bouche ouverte. Mon sommeil ne dure jamais bien longtemps. Le chauffeur y veille grâce à Radio Guatemala qui diffuse des tubes sentimentaux à la Julio Iglesias. Bonus : j’ai plusieurs loooongues heures devant moi pour admirer le panorama volcanique et les villages animés, les chicken bus multicolores et les femmes mayas dans leur huipil brodé. C’est presqu’aussi divertissant qu’une série Netflix. Ça tombe bien : y’a pas la 5G.
Si tu as lu mon premier billet, tu sais que les trois premières étapes du Raid Guatemala sont derrière nous. Le staff nous accorde généreusement deux jours de pause que j’ai bien l’intention de savourer après avoir craqué mon slip au « Sendero de la Muerte[2] ». Je comprends assez vite que pour nos G.O.[3], « ne pas marcher » ne rime pas avec « grasse matinée ». On se lève aux aurores pour visiter les villages mayas qui bordent le Lac Atitlan et le marché de Chichicastenango. Une fois extirpée du lit et caféinée, j’avoue, ça vaut le lever matinal.
Nous affrontons la 4ème étape à Lanquin, au cœur du biotope du Quetzal, l’oiseau emblématique du Guatemala. C’est une course dans la jungle, avec brouillard et bruine, qui me fait penser à un remix entre Gorilles dans la brume et Indiana jones. La Bosque Nuboso[4] porte bien son nom. Elle ne manque pas de sentiers humides et perfides qui tentent de me faire glisser ou tomber. La cascade Ram Tzul haute de 60 mètres me ferait presque oublier que la pente est raide et la lutte loin d’être courte. La boue finit par avoir raison de moi et je finis le parcours sur les fesses. Heureusement, le bout du chemin n’est plus loin et je franchis la ligne d’arrivée accueillie par z’Homme qui a couru sur cette étape. Parce que quand même, arriver à chaque fois dernier, ça commençait à le miner grave.
La 5ème étape du Raid Guatemala – et la dernière Hallelujah ! – nous fait traverser une vaste finca[5] avec différentes plantations (café, cacao, cardamome). Nous sommes redescendus en altitude, les sentiers sont roulants et le climat tropical. C’est une belle dernière marche de 21 km avec peu de dénivelé. J’arrive même à papoter en marchant, ça ne m’était plus arrivé depuis longtemps et les mots commençaient sérieusement à se bousculer dans ma tête. Je franchis la 5ème et dernière ligne d’arrivée avec z’Homme, le sourire aux lèvres et la musique d’Eye of the tiger dans la tête. On s’applaudit et on se félicite mutuellement d’avoir bouclé ce Raid, étreintes, tapes dans la main, photos, c’est une vraie séquence émotion. Z’Homme m’embrasse à pleine bouche, je prie pour ne pas avoir une haleine de poney mort.
Après, plus tard, on connaîtra le classement des coureuses et des coureurs. On passera toutes et tous sur scène pour le mot de la fin. On lèvera notre verre à ce bel exploit sportif, à cette équipe de bénévoles passionnés, à la bienveillance et à l’énergie du groupe.
Après, un peu plus tard, on fera quelques dernières visites avant de rejoindre Guatemala City et de nous envoler vers la France.
Après, encore plus tard, on se donnera rendez-vous en 2025, pour le Raid en Mongolie.
[1] Virages dangereux
[2] Sentier de la Mort, voir mon précédent billet : https://humourmebybarbara.com/le-guatemala-cest-raid/
[3] Gentils Organisateurs
[4] Forêt de nuages
[5] Exploitation agricole