Ma fille est à l’âge critique. Dans tous les sens du terme. Avant, j’étais la plus jolie maman du monde. Mais ça c’était avant. Maintenant elle dit que j’ai surtout des plis et des rides. Moi je trouve que c’est un peu pas vrai.

Je me maquille dans la salle de bains, porte ouverte. Erreur fatale. Ma fille entre et me scanne de son regard laser. J’ai l’impression d’avoir un code-barres tatoué sur le visage, ou plutôt un code-bar parce que du bar au thon il n’y a qu’un pas, enfin une ligne, que je ne saurais franchir. Elle me trouve un peu une tête d’œuf – teint brouillé et yeux pochés – ce qui explique sans doute pourquoi elle m’inspecte le blanc des yeux. Je vais pas en faire une jaunisse même si je préférerais qu’elle me le dise avec ménagement. On est fragiles à nos âges. Elle propose de me maquiller, histoire d’appliquer les conseils de ses youtubeuses préférées sur une tête à coiffer grandeur nature. Je dis oui pour ne pas étouffer dans l’œuf cette tentative de rapprochement fille-mère, enfin mère-fille c’est moins compromettant. Si vous croyez encore qu’un fond de teint s’applique à l’éponge ou à la brosse, ressortez votre Harrap’s parce que c’est désormais le beauty blender qui vous fera un teint de pêche, le highlighter qui vous donnera la banane et le contouring qui creusera vos pomm-ettes. Le bon vieux crayon kôhl se pose dans la « muqueuse inférieure » si l’on ne veut pas avoir l’air d’une poire (perso, la muqueuse inférieure je la situe pas là, mais je vais pas avoir cette conversation avec ma fille). Cerise sur le gâteau : on peut encore utiliser le grand classique qu’est l’eye liner, à condition toutefois d’utiliser un « pinceau biseauté ». J’ai un peu de mal à gober le jargon cosméto de jeunes filles à peine sorties de l’œuf qui veulent nous faire croire que leur vie ressemble aux vidéos ultra-glamour qu’elles postent. Mais puisque ma fille s’est mise en tête de me rajeunir, où est le mal ? J’ai dû parler à voix haute car le voilà qui débarque, le mâle, en la personne de z’Homme. Et là, à propos de valises sous les yeux, heureusement qu’il prend pas l’avion parce qu’il payerait hélico – euh, illico – un excédent de bagages. Mon tact naturel m’empêche de le lui faire remarquer mais cela n’arrête pas ma fille qui lui propose un masque anti-poches-regard-jeunesse pour que cesse toute ressemblance avec un shar-Peï. Vous savez, cet adorable toutou tout plissé ? Z’Homme apprécie moyennement la comparaison canine mais comme elle n’en démord pas je me dis qu’il va vraiment avoir une dent contre elle. Pour éviter qu’elle ne se mutine, je propose de la libérer. La révolution attendra : ah ça ira ça ira ça ira, les fards et les poudres on les r’prendra.

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