Avant le départ, Bali évoquait pour moi une végétation luxuriante, des bâtonnets d’encens, les couleurs vives des sarongs et une langueur toute tropicale. Bonne surprise post-atterrissage : c’est comme ça pour de vrai. Dommage : les greffons restent fidèles à eux-mêmes.
Nous débarquons à Denpasar, la mine hagarde et l’œil torve, 15 heures d’avion ça vous fait ça. Z’Homme scanne des yeux les panneaux d’information et file tout droit vers le « money changer » pour aller changer des dollars. C’est qu’il est pressé de devenir millionnaire. En roupies, s’entend.
Pour m’occuper utile, j’attends que le carrousel crache tranquillement nos sacs à dos pendant que les gosses se disputent.
« C’est celui qui dit qui l’est »
« non c’est toi »
« non toi »
« non toi »
« non toi »
« non toi »
etc.
J’en prendrais bien un pour cogner l’autre avec mais ça serait mal vu au pays de la zénitude où personne n’élève la voix. Je serre les dents sur mon mentos et me replonge dans mon e-book mais pas pour longtemps. La grande insiste pour récupérer rapidement son eye-liner dans les bagages (« Non mais t’as vu la tête que j’ai ? ») et le petit chouine parce qu’il a fait trois gouttes dans sa culotte (« sans faire exprès »). Note à moi-même : sur le vol retour, je leur pique les écouteurs pour les forcer à dormir au lieu de se faire un filmathon.
Z’homme revient avec un sourire jusqu’aux oreilles : ça le met de bonne humeur de se balader avec 11,8 millions de devises sur lui. Ça lui rappelle le bon vieux temps de la Lire italienne. Tant mieux, parce que je lui laisse les greffons pour me délester de mes bas de contention qui collent et grattent, bourre et bourre et ram tam tam. Quand je reviens, c’est ambiance tsunami, les décombres en moins. z’Homme a une mine funèbre et les gosses chialent. On dirait qu’il a eu moins de scrupules que moi. Mais on s’en fiche, après tout, on ne connaît personne ici. Quoi ???
Une fois débusqué notre chauffeur dans la marée de pancartes, on embarque et, malgré la fatigue, la magie opère. Couleurs, odeurs, végétation : c’est tout comme on l’a imaginé. Enfin, je parle pour z’Homme et moi, hein.
Parce qu’à côté de nous, ça baille, soupire, s’agite, se chamaille de plus belle ; la pré-ado fait la tête et trouve le pays sale, le petit demande quand on arrive et s’il y aura une piscine.
On aimerait bien les claquer encore un peu. On se contente de respirer à fond.