« Buuuuuuuutttttttt » hurle z’Homme depuis le salon. Les Bleus sont en quart de finale de ce Mondial de l’enfer, avec ses droits humains au minimum et son empreinte carbone au max. C'est décidé, finale tricolore ou pas, je boycotte !

Les Français ont gagné contre l’Angleterre et c’est le délire dans le stade Al-Bayt, l’un des six nouveaux stades construits au Qatar pour la Coupe du Monde de foot. Rassure-toi : avec une dotation de quatre milliards, l’édification de ces bâtiments sortis du désert égratignent à peine le budget pharaonique total de 220 milliards de dollars alloué à l’événement, l’équivalent du PIB du Vietnam. Commentaire de z’Homme : « bah c’est petit, le Vietnam. »

Passons sur la passion footballistique de z’Homme, qui lui fait dire à peu près n’importe quoi, quelque chose ne tourne pas rond, et c’est pas le ballon. Refroidir huit stades qui accueillent un million de spectateurs et quelques joueurs, c’est pas cool ! Les pros du marketing qatariens ont planché sévère avec un greenwashing qui confine à l’excellence (ou à l’outrecuidance) pour nous faire oublier l’évidence : climatiser huit stades de foot à ciel ouvert, ça reste une complète aberration écologique.

Et à propos de green, z’Homme, obnubilé par les « exploits » des tricolores sur la pelouse qatari, oublie qu’il s’agit d’un gazon maudit, issu de la plus grande ferme à gazon du monde : 800’000 mètres carrés … en plein désert ! L’argument pseudo-écolo des stades reliés entre eux par métro explose aussi en plein vol. Ce minuscule pays est trop petit (et trop cher) pour héberger tous les spectateurs. Parqués dans les pays limitrophes ou les villes plus lointaines, ils se déplacent en avion-navette, à raison de 160 vols par jour. « Tu fais quoi après le match ? » « Je rentre à l’hôtel en avion ». Faut avouer que ça claque. C’est nettement plus classe que : « Je rentre à la maison en Uber ».

Malgré tout, z’Homme continue à suivre l’ascension des Bleus. « C’est seulement tous les quatre ans, alors si je zappe une année… ». En général, je considère que nos footeux sont « des millionnaires qui courent derrière un ballon » selon la savoureuse expression de Anne-Sophie Lapix. Mais ce tournoi me donne tout net le tournis. Parce qu’à la note environnementale déjà salée, s’ajoute un bilan humain salement élevé. Près de 1,7 millions de travailleuses et de travailleurs immigré・e・s ont fait le voyage depuis l’Inde, le Népal ou le Bangladesh pour charbonner 10 heures par jour, parfois sous 50 degrés, pour un salaire de misère. Bilan : plus de 6500 morts parmi les personnes engagées dans la construction des infrastructures. « Même pas vrai » répond l’émirat.

Pété de thunes, Tamim ben Hamad Al Thani est à la fois un cheikh et un portefeuille. Sa fortune personnelle est évaluée à 2,5 milliards de dollars. Certes, c’est une peccadille à côté du compte en banque d’Elon Musk mais l’émir a un atout dans la manche de son dishdash : il règne sur ses sujets en monarque absolu. Genre le Roi Soleil, sauce musulmane. Et ça même Zuckerberg avec son metaverse, il n’y est pas arrivé. Imagine le frisson que Tamim doit ressentir quand il décrète où s’arrête la liberté d’expression de son peuple. Hors les frontières du Livre sacré et du saint billet vert, tout est interdit, sans contestation possible. Du coup, s’il ne juge pas urgent de réformer les droits des femmes, des minorités et des travailleurs, tout le monde est d’accord avec lui.

 

Heureusement, pour la Coupe du monde 2022 l’essentiel est préservé : les femmes sont autorisées à entrer dans les stades et peuvent même y larguer le voile. Mais pas les amarres : citoyennes de 2ème classe, leur vie se déroule sous tutelle masculine. T’étouffe pas avec ton bredala[1] : le Code Napoléon en France, c’était pas mieux. Bon, c’était il y a deux cents seize ans, nous avons fait du chemin depuis.

 

Ce tout petit pays, qui n’a d’autre mérite que le fruit de ses entrailles, n’en continue pas moins de prêcher la bonne parole : il a promis de faire de la Coupe du monde de football 2022 « le premier événement neutre en carbone de l’histoire du tournoi[2] ». Mouaaaahhaaa. Le Qatar a cru qu’il pouvait jouer au Père-Noël avant le 24 décembre. Dommage qu’on n’y croit plus. 

 

[1] Petit gâteau en alsacien

[2] Selon les associations de protection de l’environnement, le bilan carbone dépassera largement les 3,6 millions de tonnes de CO2 annoncés. https://www.agence-france-electricite.fr/actualites/coupe-du-monde-2022-qatar-neutralite-carbone-greenwashing/

 

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