L’autre jour je suis allée planter des arbres. À la demande de nos arboriculteurs qui avaient besoin d’aide pour mettre en terre 700 bébés nectariniers. Lesquels ne se plantent pas tout seul dans un verger en mode « cliquer-glisser ». Hélas.

Je suis toujours partante à l’idée de donner un coup de pouce. Ou un coup de main. Ou même un coup de pied dans la mare – ou un pavé dans la fourmilière si tu préfères – pour rallier les autres membres de la tribu à ce noble projet. Surtout qu’on avait parrainé trois arbrisseaux qui allaient porter le nom des greffons. Ce geste auguste de l’arboriculteur les a pourtant laissé – c’est un cas rare – de marbre. Hermétiques à la poésie autant qu’à la météo favorable, ils m’ont mis un râteau.

Le Grand n’a même pas tenté de feindre un pseudo-intérêt, il a juste grogné un « j’peux pas, j’bosse » qui sentait son ours mal léché de derrière la caverne. Louloute a levé les yeux au ciel, genre WTF #omg, et m’a balancé tout en tapant furieusement sur son portable « j’peux pas-eu, j’ai répète avec mon groupe-eu. Et j’te l’ai dit-eu alors fais pas genre tu sais pas-eu». Je me refuse à ouvrir le match « non tu m’l’as pas dit- si j’te l’ai dit – non – si – non – si – etc. ». L’endurance de Louloute à ce petit jeu-là dépasse largement les limites de ma patience.

Je me suis alors tournée vers le co-créateur des greffons, mon roc, mon cap, ma péninsule, ma lumière dans la nuit : z’Homme. Mais le phare était éteint. Ampoule cassée. Générateur en panne. La totale. En fait d’illumination, z’homme venait de se découvrir une soudaine affinité pour les courses du samedi après-midi. Ce fait est suffisamment rare pour que j’en parle, aussi insolite qu’une chambre d’ado rangée. C’est dire.

J’ai fini par partir avec le Pioupiou, le seul qui pouvait pas retourner sa veste, mais qui s’est vengé en râlant copieusement pendant tout le trajet. Une fois arrivée sur place, j’ai réalisé avec effroi qu’un champ, c’est boueux. Eh oui, voilà ce que c’est de vivre en « hors sol » et de faire exclusivement les rando fléchées du Club Vosgien. Après tu sais plus à quoi ça ressemble, la nature, la vraie. J’avais une vieille paire de bottes dans mon coffre, ça m’a permis de sauver la face, pile avant de faire une mine déconfite au vu des pelles alignées tête bêche contre la clôture. Je venais de comprendre qu’il allait falloir creuser, en fait. Pendant ce temps, Pioupiou s’était trouvé un pote avec lequel il se faisait un remake de StarWars version rurale, avec de grosses modifications dans le scénario et aucun arbre à planter en perspective.

Et moi qui pensais qu’on ne ferait qu’assembler les bébés arbres dans des trous déjà pré-percés, alignés et calibrés, avec mode d’emploi et visserie de rechange. Apparemment, j’étais la seule à faire mes courses chez Ikea parce qu’autour de moi, tout le monde s’est joyeusement emparé des outils pour attaquer le bêchage en mode hey-ho hey-ho on rentre du boulot. À croire que l’Univers avait décidé de me faire payer en une fois (et juste à moi) tous les méfaits que l’Homme a fait subir à la planète.

J’hésitais encore à prendre un outil par le manche, quand le proprio des arbres fruitiers en devenir, Fredo la malice, m’a planté une pelle dans la main et collé une tape sur l’épaule. Je crois qu’il a eu pitié de moi parce qu’il m’a aussi montré comment faire. Deux fois. Au ralenti. Après ça, j’ai bêché en ruminant, couleur locale oblige, tout en me fabriquant tranquillement des ampoules aux mains assorties d’un ou deux lumbagos pour aller avec. La campagne, quand ça vous tient.

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