Voilà, c’est fini. Pioupiou a mis fin à sa folle histoire d’amour. C’est qu’il avait, vois-tu, une chérie depuis deux ans. Deux loooongues années de douze mois chacune : à 11 ans, c’est l’éternité. Ensemble, ils avaient vécu les mêmes classes vertes, les bonbons achetés en douce chez le boulanger, les récrés partagées, le premier baiser aussi.

Love Story, en moins dramatique

Des liens s’étaient créés entre les parents de sa chérie et nous. On s’alternait pour les emmener au cinéma ou au mini-golf parce qu’ils fêtaient leur « anniversaire de rencontre » (!) ou la Saint-Valentin. On en avait la larmiche à l’œil.

On n’avait pas encore fixé la date des noces, j’suis pas une mère juive non plus. Mais il nous arrivait, sa future belle-maman et moi, de parler traiteur et robe de mariée, l’air de rien. On tâtait le terrain si tu préfères. Et puis Pioupiou est rentré en sixième en même temps qu’en désamour. Le soir de la rentrée des classes, son cartable à peine balancé par terre, avant de parler de ses profs ou de son nouveau collège, il m’a dit :

-« Tu sais maman j’suis plus amoureux »
J’ai répondu distraitement ah bon parce qu’ils en étaient pas à leur première querelle de couple.
-« Nan vraiment, je vais lui dire qu’on s’arrête »
Et là, moi aussi je me suis arrêtée net de tapoter sur mon clavier :
-« Comment ça on s’arrête ? »
-« Ben oui, je vais lui dire que j’l’aime plus, c’est pas honnête, je peux pas continuer à faire semblant. »

Préparer la relève

Tu sais quand t’as l’impression d’avoir changé d’espace temps à ton insu ? Et que tu te dis, ce n’était qu’un rêve ? Ben j’en étais là, à me demander si j’avais pas fait subrepticement un bond en avant d’une dizaine d’années.
-« C’est peut être un peu précipité, non ? Tu viens à peine de reprendre l’école et de la revoir ? »
-« Nan, ça fait un moment que j’le pense. J’vais lui dire demain. »
J’étais plus déçue que le jour où j’ai compris que la petite souris n’existait pas. J’ai failli chanter du Céline Dion, pour te dire.

Le lendemain soir, Pioupiou m’a raconté :
-« Ben ça c’est mal passé. Elle a cru que je lui faisais une blague. Après, elle a fait genre je m’en fous et elle m’a ignoré toute la journée. »
-« En même temps c’était un choc pour elle, non ? »
Haussement d’épaules :
-« Ouais mais je sais qu’elle m’aimait plus vraiment, c’est juste que personne n’avait le courage de le dire à l’autre. »
Si la nouvelle génération gère aussi bien ses histoires d’amour dès la pré-adolescence, y a d’l’espoir pour l’humanité. Je me sentais toute fiérote de mon fiston.

-« Et pis y’a une jolie fille dans la classe… »
Ah c’était donc ça. Il préparait la relève. Avec tact. Vite fait.

 

Photo Kelly Sikkema on Unsplash

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3 commentaires sur “Fin de la Love Story”

  1. A onze ans on est encore un enfant même si c’est plus pour très longtemps. La meilleur manière de juger du degré de décadence d’une société est d’observer la façon dont le monde des adultes traitent le monde des enfants. Quand le monde adulte ne protège plus les enfants, ne protège plus leur innocence, ce monde adulte commet l’irréparable: leur voler leur innocence, leur voler leur enfance. En effet, permettre de laisser le regard réciproque que se portent mutuellement les garçons et des filles de cet âge au niveau d’une affaire d’amour et de sexe est d’une infinie tristesse. Où est l’apprentissage de la retenue et du respect qui fera qu’un homme est un homme et en cela contribuera à le distinguer de l’animal? On ne peux faire de plus grand honneur à nos enfants que de leur dire qu’ils sont appelés à devenir des saints. Faute de quoi, il ne reste plus qu’à constater que nous sommes en effet, en pleine décadence.

    1. Bonjour Emmanuel,
      votre commentaire me surprend : n’avez-vous pas compris la tendresse que j’éprouve vis-à-vis de mon fils et de mon ex-petite chérie ? Voilà deux enfants qui s’étaient trouvés et qui ont développé un lien amoureux, qui l’ont cultivé, et qui y ont mis un terme quand il le fallait. Je trouve ça super ! Et j’espère que ma plume le rend … au deuxième degré bien entendu !

  2. Bonjour Barbara,
    « se trouver », « développer un lien amoureux », « le cultiver », etc… toutes choses bien compliquées s’il en est et lourdes de conséquences, exige préalablement une structure intellectuelle, morale et mentale, un apprentissage de contrôle de soi, la bonne façon d’appréhender ces choses, en un mot exige une maturité dont les enfants sont, par définition, encore dépourvu.

    J’ai très bien compris votre tendresse, sauf qu’il eût été préférable qu’elle s’exprimât à la vue des progrès que fait votre fils pour se structurer et devenir un adulte pleinement responsable de ces actes. Pas grand chose à voir donc ni avec ce qu’il a vecu ni avec vos affirmations « d’enfants qui se trouvent » etc…

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