Avant, quand tu étais née femme, ta place dans la société était clairement définie : tu étais au foyer ou au boulot, mère de famille ou carriériste, éventuellement prostituée. Pas de cumul des mandats, fallait choisir. Mais ça c’était avant Simone Veil. Aujourd’hui on peut tout faire mais c’est pas mieux.

Ma grand-mère s’est usée au travail domestique. Cinq enfants, une basse-cour, un potager, les repas à préparer, le linge à laver à la main, les vêtements à confectionner pour toute la famille, le dimanche à la messe. Peu de temps libre, très peu de vacances. Mon grand-père était un cheminot et pelletait le charbon dans les dernières locomotive à vapeur, ce qui lui a valu un emphysème des poumons. Pas glamour non plus.

Je n’éprouve aucune nostalgie pour cette époque, tu t’en doutes. Mais en tant que sous-produit de ces deux existences laborieuses, je m’interroge : est-ce que c’est tellement mieux aujourd’hui pour nous, les femmes ? Même et y compris en France ? Est-ce que pouvoir « tout » faire, comme un homme, nous a vraiment libérées ? Si tu as une envie irrépressible de me traiter de féminazi, attends de lire la suite.

Ok, c’est Arthur (Martin) qui lave le linge mais notre salaire reste de 24 % inférieur à celui d’un homme, à travail égal. Le temps partiel est 4 fois plus fréquent chez les femmes, parce que c’est nous qui réduisons le plus souvent notre activité professionnelle pour élever les enfants. On est probablement la première génération à gérer la vie domestique comme nos grands-mères tout en bossant à l’extérieur comme nos grands-pères : le bébé au sein et une main sur le clavier à répondre aux mails. Et on finit par s’épuiser à vouloir incarner la femme parfaite, qui, on le sait est une connasse. Wonder Woman ne nous fait plus rêver.

Chaque année, au moment de la Journée Internationale des Droits des Femmes, je fais le point. Où en est-on de l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes et du partage des tâches domestiques et parentales ? Et chaque année, la réponse est : faudra encore une ou deux générations pour y arriver. De toutes façons, tu peux partir du principe que s’il faut dédier une Journée aux Droits des Femmes, c’est qu’ils sont loooooin d’être acquis.

Parce que si tu regardes ce qui circule sur le net mais aussi dans la vraie vie en ce jour du 8 mars, tu vas constater que le sexisme ordinaire y pullule, un peu comme si tout le monde s’était donné rencart pour faire de cette journée la grosse blague « féministe » de l’année.

En effet, tu ne manqueras pas de constater les belles réduc qu’on te propose sur les produits de beauté : parce que pour revendiquer tes droits, faut être belle, ça passera mieux. Ce jour-là, tu trouveras de l’électroménager à -30% et c’est clair qu’acheter un aspirateur à ce prix-là, ça te donne la patate, au moins jusqu’à l’année prochaine, même date. Sinon, il y a l’option un soutien-gorge acheté = une culotte offerte pendant toute la journée des Droits des femmes. C’est vrai franchement, on reçoit de la lingerie gratos, ça devrait suffire, nan ? On va pas encore demander des droits à tout-va.

Si t’as besoin de relire quelques citations de la grande Simone*, pour tenir le coup, te prives pas. Et sinon, courage, une journée c’est vite passé.

 

*De Beauvoir, who else ?

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