Ce titre un peu raide ne doit pas devenir l’arbre qui cache la forêt, ou le morning wood qui cache le bois de Boulogne. Non, en dépit de cette saillie, ce bouquin n’est pas vulgaire. Et d’abord, Desproges, vous connaissez ?

Bon là je m’adresse direct aux quinquas plus, parce que son heure de gloire c’était dans les années 80. De toutes façons, que vous connaissiez peu ou prou Desproges, lire ce bouquin c’est le (re)découvrir à travers la lorgnette de ceux qui l’ont bien connu. 25 proches y compris l’auteur lui-même, Francis Schull, qui fut journaliste avec lui à L’Aurore et son colocataire pendant plusieurs années.

Impossible de résumer Desproges bande encore qui se présente comme un patchwork et révèle les multiples facettes de ce comique génial, caustique, cinglant, généreux, emporté et aussi injuste, orgueilleux et rancunier, tendre et cruel. Humain donc.

Desproges maniait avec brio la langue française et me rappelle à bien des égards l’humour De Groodtien quand il écrit :

Chaque année le 15 août, la Vierge Marie, dont nous aurons relevé les singularités gynécologiques, pond un œuf. C’est le pondu-15 août.

Un Stéphane De Groodt a l’humour nettement plus corrosif tout de même, comme dans sa chronique du 3 février 1986, élégamment intitulée « Bonne année mon cul », où il annonce :

Le 15, premier coup dur, Balavoine est mort.
Le 16, deuxième coup dur, Chantal Goya est toujours vivante.

Et dans la même veine affirme que son émission La Minute nécessaire de monsieur Cyclopède, à l’humour affligeant, divise la France en deux : « les imbéciles qui aiment et les imbéciles qui n’aiment pas.»

Bio express, comme sa vie (1939 – 1988)

Après quelques incursions dans le journalisme, il se fait connaître grâce à ses chroniques dans l’émission télévisée de Jacques Martin Le Petit Rapporteur sur TF1 (1975). Au fil des ans, il anime différentes émissions de radio ou de télévision avec Thierry Le Luron, dans L’île aux enfants où il interprète un Professeur Corbiniou complètement loufoque ou dans La Minute nécessaire de monsieur Cyclopède. Mais c’est surtout le Tribunal des flagrants délires qui le consacre (1980). Cette émission de radio satirique traduit des personnalités dans un tribunal imaginaire par un féroce procureur de la République Desproges française. Ses Chroniques de la haine ordinaire, diffusées juste avant le journal de 19 h sur France Inter, sont des coups de gueule contre l’actualité ou des réquisitoires contre des sujets qu’il déteste, comme le foot.

Voilà bien la différence entre le singe et le footballeur ; le premier a trop de mains ou pas assez de pieds pour s’abaisser à jouer au football.

Desproges est inclassable

Alors ne cherchons pas à le faire. Il se présente comme un artiste « dégagé », critiquant aussi bien la « gauche-caviar » que la « droite-œuf-de-lump », ce qui lui permet « de rire de tout … mais pas avec tout le monde. » Dans Desproges bande encore, à travers des anecdotes recueillies ça et là, Francis Schull dresse le portrait chinois d’un artiste plein de contradictions, mort des suites d’un cancer à 48 ans, et qui avait déclaré, avec l’ironie qui le caractérise :

Plus cancéreux que moi, tumeur !

 

2 commentaires sur “Desproges bande encore”

  1. Francis Schull (what else ?)

    16 février 2016 : un jour pas comme les autres dans l’histoire d’Humour Me. Sainte Barbara, touchée par la grâce, reçoit l’illumination divine et s’élève vers les cieux au milieu du choeur des angelots bouffis qui célèbrent son omniscience. Jouez hautbois, résonnez musettes : Santa Barbara, dont on ne peut que déplorer l’éternelle absence au milieu de la crèche, bien coincée entre le boeuf et l’âne, là où les remugles de l’étable exercent leurs odoriférants bienfaits, Santa Barbara disais-je, avant de me laisser aller à des considérations dont on se demande bien ce qu’elles viennent faire ici tant elles n’apportent rien à l’élégance et à la poésie qui se doivent d’imprégner le moindre de mes propos, Santa Barbara, enfin, a pondu un oeuf.
    Un oeuf d’une lucidité, d’une pénétration, d’une profondeur, d’une finesse d’analyse qui ne peuvent que laisser pantois ses lecteurs béats et tout ébaubis d’être admis dans le cercle étroit qui va dorénavant célébrer ad nauseam ses innombrables mérites. Quels mérites ? Mais ceux, infinis, d’avoir lu, admiré et compris que Pierre Desproges était l’humoriste du siècle, que dis-je, de tous les siècles après Jésus Christ. Et peut être même avant. Et elle exprime cette conviction avec une force et une justesse qui forcent l’admiration. Qu’importe, si, au passage, elle se laisse aller à confondre grossièreté et vulgarité : cela lui confère cette touche d’humanité sans laquelle les génies ne seraient que des monstres froids.
    Notons, avec la pointe d’humilité nécessaire à tout possesseur d’une tête modérément enflée, telle celle de votre serviteur, présentement, qu’elle ajoute à ce divin concert de louanges, une touche d’appréciation pour le courage de celui qui a du subir les interminables confidences d’une trentaine de supposés amis dudit Pierre Desproges pour en tirer la substantifique moelle et, après de laborieuses supplications auprès d’éditeurs dédaigneux, a réussi à publier cet ouvrage dont la couverture, d’un rose ahurissant, est censée séduire d’innombrables groupies déchaînées et assurer une confortable rente à son auteur.
    Très beau, pas cher.
    Et si vous ne pouvez l’acheter, volez le.
    Ainsi soit-il

    Francis Schull

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